Intervention auprès des jeunes de la maison d’arrêt de Grasse
Le 20 juin 2019
Facebook de Latifa Ibn Ziaten Twitter de Latifa Ibn Ziaten Mail de Latifa Ibn Ziaten
Dans son combat pour défendre les valeurs de notre République, le vivre-ensemble et la laïcité, madame Ibn Ziaten tient à être présente en milieu carcéral. C’est dans ce sens que Latifa est intervenue le jeudi 20 juin 2019 auprès des jeunes du service éducatif et d’insertion dédié aux mineurs dans la maison d’arrêt de Grasse. Après la diffusion du documentaire « Latifa, une femme dans la République », Madame Ibn Ziaten a échangé avec huit jeunes âgés de 17 ans, très à l’écoute, curieux de connaître son parcours et le combat qu’elle mène à travers l’association IMAD depuis le décès de mon fils, le 11 mars 2012.
« Les jeunes m’ont questionnée notamment sur l’assassinat de mon fils et sur l’association qui porte son nom, ainsi que sur la religion. Des témoignages ont été également livrés, avec pudeur, sur les conditions de vie dans les quartiers dits « sensibles », où la tentation est forte de se laisser aller à des dérives, même lorsque tout va bien à la maison et que les parents sont présents pour veiller sur leurs enfants. Le manque de moyens, l’influence du groupe, le besoin de se sentir « comme les autres » pousse certains à basculer dans la petite délinquance ou à commettre des actes plus graves ; ce n’est qu’une fois incarcérés qu’ils réalisent ce qu’ils ont fait. C’est pourquoi le retour dans la cité est redouté, l’enjeu étant, comme me l’a dit un jeune, de retrouver sa liberté et sa place. Un garçon m’a dit que, à la fin de sa peine, il aurait 25 ans… c’est bien triste d’être ainsi privé de sa jeunesse pour avoir voulu gagner de l’argent facile. Mieux vaut se contenter de peu et ne pas connaître la peur ni le risque d’être emprisonné, voire tué avant d’avoir eu le temps de vivre. Un autre jeune m’a impressionnée par la justesse de son analyse : il m’a dit que les immigrants, y compris clandestins, arrivaient avec la rage, parce qu’ils manquaient de tout, avec l’envie de réussir, tandis que les jeunes comme lui, ne manquant de rien, avaient tendance à se laisser aller à la facilité. J’ai demandé comment ils pouvaient ne pas penser à leur famille, venue comme moi de l’autre côté de la Méditerranée, ayant travaillé dur pour que la jeune génération ne manque de rien. Est-ce une manière de répondre au soutien dont on a bénéficié de la part de ses parents que de le faire par la violence, le manque de respect et de valeurs ? J’ai expliqué à ces jeunes que, bien qu’ayant perdu l’être le plus cher à mes yeux, je n’avais pas sombré dans la colère, ni dans la haine. Tous les jours, je souffre de la perte de mon enfant mais mon engagement envers lui est très fort et je continuerai à transmettre mon message à tous les jeunes en difficultés. Il ne faut pas rester dans le passé de ses erreurs mais avancer et apprendre d’elles. Comme je le dis souvent, chacun doit démarrer son moteur, s’investir, progresser car personne ne le fera à sa place. Il faut avoir confiance en soi et avancer ! J’ai été frappée aussi par l’hésitation perceptible chez les jeunes quand je leur ai demandé s’ils se sentaient français. L’un deux m’a dit que son identité, c’était d’être marocain… alors qu’il était né en France. Il a fallu que je lui explique que la nationalité de ses parents n’était pas nécessairement la sienne, même si leur origine était naturellement commune. Les enfants ont leur identité propre et le mélange des cultures fait la richesse d’une France multicolore. On peut être fier de son pays d’origine et de celui où l’on a vu le jour. Ce problème d’identité est étroitement lié à l’existence de cités closes sur elles-mêmes. J’ai été très touchée par la pertinence des questions qui m’ont été adressées et par le respect dont les jeunes ont fait preuve à mon égard. Ils ont été pleins de sollicitude, touchés par mon combat, inquiets des menaces dont je suis régulièrement la cible. Ils m’ont invitée à la prudence. Durant trois heures, ce fut un échange passionnant et très fort humainement. Les jeunes ne voulaient plus partir ! Leurs remerciements m’ont profondément touchée et m’encouragent à poursuivre mon action, coûte que coûte. Je tiens à remercier Madame Schembri-Cintre, responsable de l’établissement, à l’initiative de cette rencontre, ainsi que l’ensemble du personnel de la maison d'arrêt pour leur accueil chaleureux. Merci également à tous ces jeunes à qui je souhaite de pouvoir prendre un nouveau départ. »