Intervention grand public à Condé-sur-l'Escaut
Madame Ibn Ziaten est intervenue le 07 avril 2022 dans le Centre Social du Hainaut de Condé-sur-l'Escaut en présence des familles et des jeunes où les sujets de l’éducation et de l’amour ont été évoqués. « J'ai commencé par me présenter, qui je suis, d'où je viens. Quand j'étais jeune, j'ai traversé la Méditerranée pour venir en France. Et c'est dans un centre social comme celui du Hainaut où j'ai commencé à ouvrir les barrières. Un centre social qui m'a aidée à apprendre à lire, à écrire, à parler le français, à connaître les valeurs de la République, à devenir autonome. J'y ai appris le partage et le vivre-ensemble. Avant mon départ pour la France, je disais à ma grand-mère que j'avais peur, non pas des Français, mais de la langue. Peur de ne pas comprendre et de ne pas me faire comprendre. C'était une barrière. Et ma grand-mère m'a dit de ne pas pleurer, de ne pas avoir peur. Elle m'a dit de regarder les gens avec bienveillance, avec le cœur, de sourire et d'aller vers les autres et qu'alors les autres viendraient vers moi. Elle disait que c'était un monde nouveau mais que j'allais vite m'adapter, que les Français étaient comme elle et moi et que c'est juste la langue qui est différente. Elle m'a dit qu'elle avait confiance en moi, que j'étais encore jeune et que j'allais apprendre vite. Et les conseils de ma grand-mère m'ont beaucoup aidée. Mais je voulais aller plus loin. Avant de fonder une famille, j'ai appris, en me rendant dans un centre social, à vivre dans un pays nouveau pour moi, à connaître les valeurs, la culture, à devenir une femme française. J'avais besoin d'apprendre tout sur la femme française pour devenir comme elle, sans perdre mon identité, ni ma foi, ni oublier d’où je viens. C'était important pour moi. Et j'ai transmis deux cultures à mes enfants. Nous célébrons le Ramadan et Noël, l'Aïd et Pâques, toutes les fêtes… Et cette éducation se poursuit de génération en génération puisque ma fille fait la même chose avec ses enfants. Il ne faut pas hésiter à pousser les portes de ces centres sociaux, ils sont là pour aider, ils peuvent vous aider à vous en sortir, à réussir. C'est important l'aide pour réussir avec vos enfants, pour leur avenir, l'aide pour remplir des dossiers administratifs, pour franchir la barrière de la langue, pour devenir autonome, parce-que l'on ne peut pas toujours dépendre des autres, il faut s'en sortir par soi-même. »
« Nous devons toutes et tous faire des efforts et ne pas tout attendre de l'Etat. Il faut se prendre en main et tendre la main aux autres. L'Etat, tout seul, ne peut pas tout régler. Il faut travailler toutes et tous ensemble. Je me souviens qu'au centre social, pendant les cours de français, il y avait des jeunes nés en France. Je ne comprenais pas ce qu'ils faisaient là… Ils me disaient ne pas avoir travaillé et le regrettaient. Aujourd'hui, si l'on veut donner la chance à nos enfants, il faut travailler avec eux, donner de l'amour être présents tous les jours rester attentifs. Et même lorsqu'on les croit en sécurité dans leur chambre, quand ils sont à la maison, il faut rester vigilants. On ne sait pas ce qu'ils font, notamment sur les réseaux sociaux. Alors il ne faut pas lâcher, il faut les accompagner, et dès le début. Il ne sert à rien de blâmer l'école et la société. C'est notre devoir d'éduquer nos enfants. Bien entendu, on a parfois besoin d'aide et il faut en demander, tout faire pour que nos enfants réussissent. Certains parents baissent les bras, mais il faut tenir, il n'est jamais trop tard, on peut toujours rattraper nos erreurs avec nos enfants. Nous avons évoqué la question des enfants qui sont placés en foyer. L'aide à l'enfance récupère les enfants en danger. Pour tous ces jeunes qui sont dans des foyers, des familles d'accueil ou en école de la 2ème chance, il y a une part de responsabilité de l'Etat, de l'école, de la société, mais la plus grande responsabilité incombe aux parents, les piliers de la maison. La première école, c'est la maison. J'ai constaté que dans cette ville, beaucoup de jeunes ne sortent pas de chez eux et sont désœuvrés, les familles estiment ne pas avoir d'aide. Mais il faut pousser les portes du centre social, il est là pour vous aider. Il faut vous déplacer faire l'effort, ne pas attendre que l'on vienne vous chercher. C'est à vous de faire le premier pas. Ce n'est pas facile de vivre dans ces ghettos fermés, mais on peut toujours trouver une solution. Il faut tout faire pour s'en sortir, rester forts et unis, ne pas écouter toute la haine qui se propage dans les médias. Je remercie les participants qui sont venus me parler, "mère courage", et qui ont démarré leur moteur grâce à moi, grâce à mes paroles. Ils m'ont remerciée pour tout cet amour, pour donner l'espoir de se relever. Je ne lâcherai rien. J'ai dit aux enfants de démarrer leur moteur, mais les parents doivent également le faire, pour leurs enfants. J'espère qu'un jour, ces quartiers seront ouverts et que le vivre-ensemble sera plus fort. Ce sera formidable et ça offrira plus de chances à cette jeunesse. Il faut rendre le Monde plus beau, c'est à nous de faire des efforts. On a besoin de l'améliorer pour permettre à ces jeunes de vivre en paix, heureux et libres, en respectant les valeurs de la République. Il faut aimer la France avec son cœur et l'aider à s'améliorer pour que chacun et chacune trouve sa place et sa chance. Nous avons également parlé des élections. Il faut faire son devoir. Notre destin est entre nos mains. Attention aux messages de haine sur le dos de certains, et notamment des Musulmans. La religion, c'est privé, c'est personnel, certains mélangent tout. Il faut respecter l'Autre sans avoir peur. La France sera toujours la même et c'est à nous d'être solidaires, de nous battre pour nos valeurs et nos droits, et de respecter la République est ses valeurs qui nous rassemblent toutes et tous. Je n'oublierai pas ce petit garçon qui m'a demandé de l'embrasser, comme s'il était mon fils. Il était triste car je devais intervenir dans son école, mais les choses n'ont pas pu se faire. Il y a parfois des contretemps. Je lui ai promis que je me rendrai dans son école. Je remercie Monsieur Vanlanker Nicolas, Principal Josquin des Prés pour l’organisation de cette rencontre ainsi que le responsable du Centre Social et son équipe pour l’accueil chaleureux et votre bienveillance. »